Discours de Jean Ping du 02/06/2017
DECLARATION A LA NATION DU PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ÉLU
(LIBREVILLE LE 02 JUIN 2017)
Mes chers compatriotes,
Au moment où le pays est confronté à la pire tragédie de son histoire, il est de mon devoir, en ma qualité de Président de la République élu, de vous entretenir sur les enjeux immédiats de cette tragédie et les perspectives qui s’offrent à nous pour en sortir.
Mes chers compatriotes,
Lors de l’élection présidentielle du 27 août dernier, vous, peuple gabonais de l’ensemble des provinces et de la Diaspora, à une écrasante majorité, avec plus de 60 % des suffrages exprimés, m’avez confié le destin de la Nation.
Par ce choix, vous avez fortement démontré votre volonté de mettre fin à 50 ans de dictature d’un système, d’une famille, d’un régime monarchique au service d’un clan qui aspire à conserver à perpétuité les pleins pouvoirs.
Votre choix historique a été brutalement étouffé dans un bain de sang dès la nuit du 31 août par les milices et les mercenaires d’un homme, Monsieur Ali Bongo, convaincu qu’il ne pouvait s’imposer à la tête de l’Etat que par ce coup de force, tant le peuple gabonais lui dénie toute prétention à diriger son destin. Ce rejet est devenu massif au regard de l’état de délabrement avancé dans lequel le putschiste usurpateur et ses affidés ont plongé le pays depuis 2009.
Regardez autour de vous ! Regardez ce qu’est devenu notre beau pays !
Lors de mes précédentes adresses, je n’ai eu de cesse de vous rassurer que nous sommes aux portes du pouvoir et que l’histoire du monde nous enseigne que tôt ou tard les plus grands dictateurs tombent toujours.
Les déterminants et les socles du régime PDG/Bongo vacillent et cela est perceptible : Plus rien ne va, les grèves se multiplient, les entreprises ferment, le chômage est galopant, les arrestations arbitraires sont légion, les enlèvements crapuleux se multiplient, l’insécurité juridique et judiciaire se banalise. Cela est également perceptible par la perte des valeurs qui fondent la citoyenneté et la République.
Que peut-on en effet attendre d’un pouvoir qui utilise de manière si disproportionnée, les forces de sécurité et le bâton de la justice, appuyés par des mercenaires, pour terroriser les paisibles citoyens et contraindre ses adversaires politiques au silence ?
Nous savons que de tout temps, il existe une différence entre l’adversaire politique et l’ennemi de la République.
Notre Justice ayant été dévoyée, je dis haut et fort qu’Ali Bongo est l’ennemi de la République, de l’Etat et de la Nation. Il est notre ennemi, il n’aime pas le Gabon.
Mes chers compatriotes,
Nous avons atteint les sommets de l’exaspération. Nous sommes arrivés au bout de ce qu’humainement, un peuple peut accepter.
Ali démolit le Gabon. Il tue ses enfants, il tue son économie, il tue son administration, il tue ses écoles, il tue sa santé, il tue sa culture.
Le Gabon pleure. Essuyons dès maintenant ses larmes.
L’heure est venue de faire le choix de la Vie. L’heure est venue de nous libérer.
La situation de crise généralisée que nous vivons aujourd’hui, n’a d’autres racines que le déni de la souveraineté du peuple gabonais clairement exprimée le 27 Août 2016.
En effet, Chers compatriotes, si Monsieur Ali Bongo avait accepté le résultat sorti des urnes du 27 Août 2016, nous n’en serions pas là. C’est le fond du problème.
Oui, c’est véritablement le fond du problème.
Dans sa quête désespérée de légitimité et pour se donner bonne conscience, l’usurpateur a entrepris d’organiser un pseudo dialogue visant à se substituer à l’élection.
Est-il besoin de rappeler, pour mémoire, que depuis les années 1990, à la faveur de la Conférence nationale, des Accords de Paris en 1994, des Accords d’Arambo en 2006, le Gabon était entré dans un cercle vicieux ponctué par la spirale « élections truquées, violences électorales et massacres des populations, dialogue national, distribution de postes » ! Toutes choses qui rendaient l’alternance impossible et conduisaient donc inexorablement, à la conservation du pouvoir par la même famille, le même clan, aboutissant ainsi à la confiscation et la monarchisation du pouvoir.
Le père a régné pendant 42 ans, le fils veut en faire autant soit un siècle, est-ce imaginable ? Est-ce acceptable ?
C’est dans ce monde imaginaire que se situe en réalité le dialogue des sempiternels imposteurs, qui ont toujours considéré le peuple gabonais comme un troupeau de demeurés. Oubliant l’adage bien connu, « O tempora, o mores ! » (Autres temps, autres mœurs !),
Mes chers compatriotes,
C’est aujourd’hui une vérité que le prétendu dialogue d’Angondjè est également un échec. La preuve, rien ne change, on prend les mêmes et on recommence comme auparavant.
Pour ceux qui, forts de leurs certitudes en doutaient encore, c’est bien la preuve affligeante que tout ce que ce monstre froid, ce dictateur entreprend dans ce pays est voué à l’échec.
Au demeurant, les Gabonais accablés en sont pour leurs frais ; plus d’une vingtaine de milliards ont été engloutis pendant près de deux mois dans ce dialogue pour un résultat connu d’avance :
La non-limitation du mandat présidentiel, autant dire l’éternité au pouvoir dans un dessein monarchique. La soif sans limite du pouvoir d’une famille, une seule…à jamais…pour toujours.
Alors, à ceux qui hier encore membres de l’opposition ont décidé de prendre part à cette kermesse pour des calculs égoïstes comme à ceux de nos amis et partenaires qui, de bonne foi, nous proposent d’accepter de dialoguer avec Ali Bongo, j’ai décidé de rester avec le peuple patriote et résistant, c’est pourquoi je persiste dans mon refus, et je le redis ici avec lui que c’est Non ! C’est Niet !
Je refuse de dialoguer avec ce monstre pour la mémoire de nos morts. Je saisis d’ailleurs l’occasion de ce discours pour saluer encore la mémoire de toutes celles et de tous ceux qui sont tombés sous les balles et la torture de ce pouvoir barbare et abjecte.
Je refuse de dialoguer avec Ali Bongo pour l’honneur de notre engagement vis-à-vis du peuple, je refuse de capituler pour le respect de la souveraineté du peuple.
Je ne veux pas trahir le mandat que le peuple gabonais m’a librement confié pour sauver la République que nous avons tous en partage et qui doit assurer la justice et la protection des citoyens de ce pays.
Ce prétendu dialogue est, en effet, une insulte de trop et un mépris du peuple gabonais souverain.
Aucun dialogue ne saurait remplacer le vote des Gabonais ; aucun dialogue ne saurait remplacer l’expression du suffrage universel.
Ceux qui parlent de dialogue avec Ali Bongo ne doivent pas oublier nos enfants tombés sous les balles des mercenaires lors de l’assaut de notre quartier général, les disparus, dont les corps ont été retrouvés dans des fosses communes, l’usurpation électorale qui scandalise le monde entier, les arrestations et emprisonnements arbitraires qui continuent, les salaires impayés, le pillage des richesses publiques, le train de vie insolent des émergents comparé à la misère du peuple.
Mes chers compatriotes,
La grave crise que traverse le pays ne peut donc être résolue durablement que par la sortie définitive du cercle vicieux « élections truquées, violences électorales et massacres des populations, dialogue national, distribution de postes » cercle qui est devenu au fil des années une véritable obsession pathologique.
Cette crise ne peut prendre fin que par la reconnaissance de la Vérité des urnes et donc le respect de la souveraineté du peuple gabonais.
Mes chers compatriotes,
Aucune solution à la crise gabonaise, ne sera donc acceptable si les résultats de l’élection présidentielle du 27 août 2016 proclamés par la Cour Constitutionnelle mis en doute par les rapports des observateurs de l’Union européenne et de l’Union africaine, régulièrement invités par le gouvernement gabonais, demeurent contraires à la réalité du scrutin.
Toute solution qui aboutirait au maintien d’Ali BONGO à la tête de l’Etat, ne résoudrait aucun problème, ne serait pas viable, ne constituerait qu’une fuite en avant et ne ferait qu’aggraver la crise multiforme que connait notre pays.
C’est sur cette base que je reste ouvert à une médiation internationale, visant à rétablir la vérité des urnes du scrutin du 27 Août 2016 que j’ai remporté comme le monde entier le sait.
Mes chers compatriotes,
Que ceux qui doutent encore se ressaisissent et se remettent à aimer leur pays qui a besoin d’être libéré.
Que ceux qui s’impatientent sachent que dans le combat que nous menons tous ensemble, il ya des étapes qu’il ne faut ni brûler, ni précipiter.
C’est contraignant, c’est vrai, mais pour autant, en paraphrasant un célèbre homme politique français :
« le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? » Non !
Comme ce célèbre homme politique, je vous demande de me croire, moi qui vous parle en connaissance de cause. Je vous dis que tout est possible pour la libération de notre pays. Et nous libérerons le Gabon.
Certes, le dictateur Ali Bongo a refusé de quitter le pouvoir usurpé, avant que la colère populaire ne se charge, tel un torrent impétueux, de lui rappeler que la voix du peuple c’est la voix de Dieu, alors il sera sans doute trop tard pour lui.
Certes, le peuple gabonais a gagné la Bataille des urnes, mais il n’a pas encore gagné celle qu’il a engagée face aux institutions aux ordres de la dictature sanglante de la monarchie familiale des BONGO, mais le peuple gabonais gagnera la Victoire finale pour l’alternance et le changement.
Peuple gabonais, je me battrai avec vous jusqu’à ce qu’Ali parte et il partira.
Voici venu pour lui et sa bande de copains et de coquins la fin de leurs illusions de pouvoir et de monarchie familiale à vie.
Je redis solennellement que j’ai décidé de rester aux côtés du peuple patriote et résistant et je persiste dans mon refus de dialoguer avec Ali Bongo.
C’est Non ! C’est Niet !
Cependant, en vue de la nécessaire réconciliation nationale, je reste ouvert et je lance un appel solennel à la communauté internationale pour une médiation en vue de rétablir la vérité des résultats du scrutin du 27 Août 2016 que j’ai remporté telle que le monde entier le sait. Je dis bien une médiation et non un dialogue avec Ali Bongo en vue de rétablir la vérité des urnes et d’assurer les conditions pacifiques d’une passation de pouvoir.
Nous ne sommes pas seuls, Dieu est aux commandes, les mannes de nos ancêtres sont en éveil et nous accompagnent.
Je vous remercie.